« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Fut-il jamais douceur de cœur pareille

 

 

 

Rondeau


Fut-il jamais douceur de cœur pareille

Àvoir Manon dans mes bras sommeiller ?

Son front coquet parfume l'oreiller ;

Dans son beau sein j'entends son cœur qui veille.

Un songe passe, et s'en vient l'égayer.



Ainsi s'endort une fleur d'églantier,

Dans son calice enfermant une abeille.

Moi, je la berce ; un plus charmant métier

Fut-il jamais ?



Mais le jour vient, et l'Aurore vermeille

Effeuille au vent son bouquet printanier.

Le peigne en main et la perle à l'oreille,

À son miroir Manon court m'oublier.

Hélas ! l'amour sans lendemain ni veille

Fut-il jamais ?

 

Alfred de Musset / Poésies nouvelles
Illustration : Alfred de Musset, portrait par Charles Landelle