« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

AU SON DE L'ACCORDÉON


 

 

C'est au son de l'accordéon

Que Nénette a connu Léon

Et que j'ai rencontré Fernande.

Elle était mince, elle était grande :

Cheveux coupés, l'air d'un garçon.

 

Chacun sa part et sa légende.

J'ai pris Fernande au bon moment

Pour héroïne d'un roman,

Mais aujourd'hui je me demande

Si c'était vraiment pour Fernande

Et non pas pour l'accordéon

Que mon coeur battait pour de bon.

 

Il jouait un air triste et tendre

Avec de longs gargouillements

Et l'extase jointe au tourment

Y faisait, pour qui sait entendre,

Tournoyer mille enchantements.

 

Qui veut aimer souffre d'attendre.

J'ai trop souffert à mes vingt ans

Pour qu'au musette, en l'écoutant,

L'accordéon qui tant est tendre

Et rauque inexorablement,

Ne me permette de comprendre

Désormais qu'il est l'instrument

Des poètes, des coeurs à prendre

Et de mes mauvais garnements.

Francis Carco / Petite Suite sentimentale.