« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Passe le ciel et c’est le soir


 

 

Passe le ciel et c’est le soir

Devant l’entrée du chapiteau

Mon vieux piano

Tient par un fil mis à sa patte

Pour ne pas qu’il se carapate

Allegretto

La lune cligne

Comme une fille comme Orphée

Dans le noir où le ciel s’incline

Elle est confidence des rêves

Elle fait de l’œil et du pied

Aux passants qui l’ont vue baigner

Dans ses eaux blanches

Elle est la garde de l’octroi

Elle  est la putain et la Sphinge

Elle sait le secret des hommes

Et leur ustensile à la gomme

Qui bouge quand ils sont contents

Et qui s’endort sans qu’ils y puissent

L’Orient s’éloigne à pas de lune

C’est l’heure où les heures s’occident

Ce qui lui incombe est survivre

A l’accident

Et s’épanouir comme fleur morte

Dans un tunnel

Pleurez au chevet de la lune

Vous les pleureuses

Le poil qui pousse en votre main

De paresseuses

Est le bougeoir de nos chagrins.

A ton âge et au sien, Kerouac était déjà mort !

 

Aux virtuoses de la corde à linge électrique

 

Dans la vitrine du soleil

Entre la rive et la rivière

Est-ce  un rayon

Qui tient une guitarre en laisse

Ce  fil où les passants balancent

Cette rallonge aux engelures

Qui nous pend au nez jusqu’aux doigts

Est-ce un geste est-ce une promesse

Une croix blanche

Sur nos attentes

 

C’est ici que la ville  couche

Bourgeoise ouvrière selon

L’aléa qui tourne le long

Du fleuve « Amour »

Sa cloche annonce ça et là

Au chaland du bord de la lune

L’avancée sourde du tramway

 

Les rats ces gens énigmatiques

Se désaltèrent

Aux coupes des ombres obliques

Où l’eau de la rivière sombre

Dans les bras dorlottants des filles

Des quais ivres de Bacalan

 

J’ai vu des palais vivants

Flotter comme les Venise

Sur la peau de l’étang

Les soirs de fête et de misère

Où dans les corsos de lumière

Les pauvres se lavaient les dents

Et le derrière en rigolant

 

Le nerf sur la corde revient

C’est l’archet de l’esprit qui passe

Dans le noir et la vie te colle

La crasse aux ongles

Ton bec marine dans les songes

Mais qu’un nom surnage une fois

Dont tu retiennes le mensonge

Là  c’est le poème qui passe

On est vivant ça va de soi

Mais ne prive pas de le dire

 

 

 

Delos la vague  ourle  la grève

Un bruit de sel  trace un sillage

Au retour de la voile rouge

Les pieds bouccanés dans nos clarks

On était beatniks tibériades

Allant sur le trottoir de l’eau

En ski nautique

 

Et dans le cambouis au garage

Des Antilles fermé depuis

On rassasie toujours les ombres

De la Nekia avec un  sang

Qui a le goût des cafés rhum

 

Je me coule enfant qui joue dans la fange du mauvais temps au camp tout là-bas des tziganes

Petite mort chérie

Pour moi tu n’es  que peu de peine

 

Loin des tours droites et des tombes

Le ciel est partagé en quatre

Entre les océans les guerres

Pauvres endormis de la plage

Avant que la houle et le vent

Reprennent l’accueil de  l’estran

Votre oasis intermittent

Jean Camille