PAYSAGE AVEC DEUX TOMBES ET UN CHIEN ASSYRIEN
Par domcorrieras, le vendredi 18 juin 2021 - Poèmes & chansons - lien permanent
Ami,
lève-toi pour entendre hurler
le chien assyrien.
Les trois nymphes du cancer ont dansé,
mon fils.
Elles ont apporté des montagnes de cire rouge
et des draps durs où le cancer était endormi.
Le cheval avait un œil dans le cou
et la lune était dans un ciel si froid
qu'elle dut déchirer son mont de Vénus,
étouffer dans le sang et la cendre les cimetières anciens.
Ami,
réveille-toi : les montagnes ne respirent pas encore
et les herbes de mon cœur sont en un autre lieu.
N'importe que tu sois plein d'eau de mer.
J'ai longtemps aimé un enfant
qui avait une petite plume sur la langue
et nous vécûmes cent ans dans un couteau.
Réveille-toi. Tais-toi. Écoute. Redresse-toi un peu.
Le hurlement
est une longue langue violette qui laisse
des fourmis d'épouvante et une liqueur d'iris.
Il vient vers le rocher. N'allonge pas tes racines !
Il approche. Il gémit. Ne sanglote pas en rêve, ami.
Ami !
Lève-toi pour entendre hurler
le chien assyrien.
Federico García Lorca / Le poète à New York
traduit de l'espagnol par A. Belamich, P. Daramangeat, C. Couffon et B. Sesé
Illustration : Autoportrait de García Lorca à New-York, au moment de l'écriture de son recueil Poeta en Nueva York.