« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

PAYSAGE AVEC DEUX TOMBES ET UN CHIEN ASSYRIEN


 

 

Ami,

lève-toi pour entendre hurler

le chien assyrien.

Les trois nymphes du cancer ont dansé,

mon fils.

Elles ont apporté des montagnes de cire rouge

et des draps durs où le cancer était endormi.

Le cheval avait un œil dans le cou

et la lune était dans un ciel si froid

qu'elle dut déchirer son mont de Vénus,

étouffer dans le sang et la cendre les cimetières anciens.

 

Ami,

réveille-toi : les montagnes ne respirent pas encore

et les herbes de mon cœur sont en un autre lieu.

N'importe que tu sois plein d'eau de mer.

 

J'ai longtemps aimé un enfant

qui avait une petite plume sur la langue

et nous vécûmes cent ans dans un couteau.

Réveille-toi. Tais-toi. Écoute. Redresse-toi un peu.

Le hurlement

est une longue langue violette qui laisse

des fourmis d'épouvante et une liqueur d'iris.

Il vient vers le rocher. N'allonge pas tes racines !

Il approche. Il gémit. Ne sanglote pas en rêve, ami.

 

Ami !

Lève-toi pour entendre hurler

le chien assyrien.

Federico García Lorca / Le poète à New York
traduit de l'espagnol par A. Belamich, P. Daramangeat, C. Couffon et B. Sesé
Illustration : Autoportrait de García Lorca à New-York, au moment de l'écriture de son recueil Poeta en Nueva York.