« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

COMPAGNONS

 

 

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I

 

Hélas ! la pluie, hélas ! la brume

Ont abîmé mes vêtements

Et je contemple obstinément

La lampe claire qu’on allume.

 

Les fossés luisent, chargés d’eau.

Je marche dans l’herbe mouillée.

Les hautes cimes dépouillées

Sont croassantes de corbeaux.

 

Par cette nuit qui me tourmente,

Ceux qu’on retient voudraient partir…

Eh ! tavernier, mon repentir

Est sincère encore que je mente.

 

 

II

 

Qui suis-je ? Mais, toi, qui es-tu ?

            La lampe fume.

Le vent qui se plaignait s’est tu.

Quelle douceur ! Quelle amertume !

 

D’où viens-je ? Mais, toi, d’où viens-tu ?

            L’horloge sonne.

Tu regardes, las et têtu,

Mais tu ne reconnais personne…

 

Où vais-je ? Mais où t’en vas-tu ?

            Butant aux pierres,

Par la nuit sans lune et vêtu

De tes défroques coutumières ?

 

 

III

 

Tu ne voudrais pas me donner la main.

         — Je cherche ma route —

J’ai toujours suivi le mauvais chemin.

 

Tu ne pourrais pas, tu ne saurais pas,

         — Je cherche ma route —

Faire que ton pas s’accorde à mon pas.

Francis Carco / La Bohème et mon cœur