« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

FILLES MORTES


 

 

Léa, qui fut assassinée,

Défait son peignoir de soie,

Gilberte, sur la cheminée,

Pose son loup jaune et noir.

 

Un triste carnaval s'ébroue

Dans le brouillard qui se lève…

Elles, sereines, joue à joue,

Sont les mortes dont je rêve.

 

Mais elles n'ont regard, ni voix,

Ni formes déterminées,

Léa, qui fut assassinée,

Gilberte, au loup jaune et noir.

 

Ce sont deux amies inconnues

Qui se cherchent dans mon cœur

Et qui s'étonnent d'êtres nues,

Sans parfum et sans chaleur.

 

Elles échangent des caresses,

Des soupirs et des aveux

Et, languissantes, toutes deux,

Rient du rire qui les oppresse…

Francis Carco / poème publié dans Petits airs (1920), qui prendra le titre Les Amies, et sera dédié à Colette. C'est après avoir entendu la terrible confession de Katherine Mansfield au sujet de Béatrice Hastings que Francis a écrit ce poème.