« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

LES CHEVAUX DU TEMPS


 

 

Quand les chevaux du Temps s’arrêtent à ma porte

J’hésite un peu toujours à les regarder boire

Puisque c’est de mon sang qu’ils étanchent leur soif.

Ils tournent vers ma face un œil reconnaissant

Pendant que leurs longs traits m’emplissent de faiblesse

Et me laissent si las, si seul et décevant

Qu’une nuit passagère envahit mes paupières

Et qu’il me faut soudain refaire en moi des forces

Pour qu’un jour où viendrait l’attelage assoiffé

Je puisse encore vivre et me désaltérer.

Jules Supervielle / Les amis inconnus