« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

LA PREMIÈRE AVENTURE CÉLESTE DE MONSIEUR ANTIPYRINE


 

 

LA PARABOLE

 

si l'on peut demander à une vieille dame

l'adresse d'un bordel

oi oi oi oi oi oi oi oiseau

qui chantes sur la bosse du chameau

les éléphants verts de ta sensibilité

tremblent chacun sur un poteau télégraphique

les quatre pieds cloués ensemble

il a tant regardé le soleil que son visage s'aplatit

oua aah oua aah oua aah

M. le poète avait un nouveau chapeau

de paille qui était si beau si beau si beau

il ressemblait à une auréole sainte

car vraiment M. le poète était archange

cet oiseau est venu blanc et fiévreux comme

de quel régiment vient la pendule ? de cette musi-

que humide comme

 

M. Cricri reçoit la visite de sa fiancée à l'hôpital

dans le cimetière israélite les tombeaux montent

comme des serpents

M. le poète était archange — vraiment

il disait que le droguiste ressemble au pàpillon

et au Seigneur et que la vie est simple comme

un boumboum comme le boumboum de son

cœur

la femme construite en ballons de plus en plus

petits commença à crier comme une catas-

trophe

ouiiiiiiiiiiiiiiii

l'idéaliste a tant regardé le soleil que son visage

s'aplatit

taratatatatatatata

 

M. ANTYPIRINE

 

A Ndumba à Tritriloulo à Nkogunlda

il y a une grande auréole où les vers circulent

en silence

car les vers et les autres animaux ont aussi des

peines des douleurs des inspirations

regarde les fenêtres qui s'enroulent comme des

girafes

tournent se multiplient hexagones grimpent tor-

tues

la lune se gonfle marsupial et devient chien

l'ara et le cacatoès admirent le chien

un lys vient d'éclore dans le trou de son cul

c'est le troupeau des montagnes en chemise dans

notre église qui est la gare de l'Ouest les che-

vaux se sont pendus à Bucarest en regardant

Mbogo qui monte sur ses bicyclettes tandis

que les cheveux télégraphiques s'enivrent

des oreilles du ventriloque débordent quatre ra-

moneurs qui crèvent ensuite comme des me- .

Ions

le prêtre photographe a accouché de trois enfants

striés pareils aux violons sur la colline pous-

sent des pantalons un histrion de feuilles

lunaires se balance dans mon armoire

ma belle enfant aux seins de verre aux bras pa-

rallèles de cendre raccommode-moi l'estomac il

faut vendre la poupée.

 

un mauvais garçon est mort quelque part

et nous laissons les cerveaux continuer

la souris court en diagonale sur le ciel

la moutarde coule d'un cerveau presque écrasé

nous sommes devenus des réverbères

des reverbères

des reverbères .

 

des reverbères

des reverbères

des reverbères

des reverbères

des reverbères

des reverbères

des reverbères

puis ils s'en allèrent

Tristan Tzara / Morceaux choisis
Illustration : Portrait de Tristan Tzara par Robert Delaunay (1923)