« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

DÉCLARATION


 

 

à la dérision

 

 

Je suis seul comme le vert des collines au loin

je suis crotté et dégoûtant devant les portes

les yeux crevés comme des œufs pas beaux à voir

et le corps écumant et fétide de souffrance

 

je n'ai pas eu de chance dans la baraque de la vie

je n'ai connu que de faux aveux de biais le pire

je veux abdiquer jusqu'à la corde usée de l'âme

je veux perdre la mémoire à fond d'écrou

 

l'automne est venu je me souviens presque encore

on a préparé les niches pour les chiens pas vrai

mais à moi, à mon amour, à mon mal gênant

on ouvrit toutes grandes les portes pour dehors

 

or dans ce monde d'où je ne sortirai bondieu

que pour payer mon dû, et où je suis gigué déjà

fait comme un rat par toutes les raisons de vivre

hommes, chers hommes, je vous remets volontiers

 

          1 — ma condition d'homme

          2 — je m'étends par terre

          dans ce monde où il semble meilleur

          être chien qu'être homme

Gaston Miron / L'homme rapaillé