« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

LE VENTRE DE MA MÈRE


 

 

C'est mon premier domicile

Il était tout arrondi

Bien souvent je m'imagine

Ce que je pouvais bien être…

 

Les pieds sur ton cœur maman

Les genoux tout contre ton foie

Les mains crispées au canal

Qui aboutissait à ton ventre

 

Le dos tordu en spirale

Les oreilles pleines les yeux vides

Tout recroquevillé tendu

La tête presque hors de ton corps

 

Mon crâne à ton orifice

Je jouis de ta santé

De la chaleur de ton sang

Des étreintes de papa

 

Bien souvent un feu hybride

Électrisait mes ténèbres

Un choc au crâne me détendait

Et je ruais sur ton cœur

 

Le grand muscle de ton vagin

Se resserrait alors durement

Je me laissais douloureusement faire

Et tu m'inondais de ton sang

 

Mon front est encore bosselé

De ces bourrades de mon père

Pourquoi faut-il se laisser faire

Ainsi à moitié étranglé ?

 

Si j'avais pu ouvrir la bouche

Je t'aurais mordu

Si j'avais pu déjà parler

J'aurais dit :

 

Merde, je ne veux pas vivre !

Blaise Cendrars / Au cœur du monde