« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

UNE RIVIÈRE COULAIT AU MILIEU D’UN BOIS


 

 

I

 

Première nuit

        Enfin j’ai retrouvé mon élément !

       C’est l’heure où le crépuscule des marécages s’attache à son sommeil et dételle sa barque de la berge. Un lapin fabuleux jaillit d’on ne sait où, fumant des tiges de roses. Nous lui demandons un peu de tabac. Quand au reste, nous le laissons aux petits oiseaux.

 

 

II

 

Deuxième nuit

        Ai-je dormi depuis le déluge ? suis-je bien intact ? bien correct ? J’ai désappris le langage du monde mais j’aime tant celui des fleurs.

        Je pars, camarades, adieu à tous, les convulsions folles m’ont pris ce matin et, sans desserrer les lèvres, la pluie par son licol !

 

III

 

Troisième nuit

        Ah misère ! cette vie est si profonde qu’on ne distingue rien. Mais non, je ne lâcherai pas, la voir est un trop beau film ! Que voulez-vous, j’aime ça ! Qu’on dise après que je ne suis pas romantique.

 

(25 février 1946)

Jean-Pierre Duprey / Derrière son double - Ouvres complètes