Chant de la Guerre
Par domcorrieras, le mardi 22 septembre 2015 - Poèmes & chansons - lien permanent
Quand donc viendra la fin ?
Quand cesseront pour moi les années épuisantes
Qui ramènent, sans voir la fin.
Le malheur, les dures campagnes,
Sur cet immense front troyen,
Mortel tombeau des camarades ?
Ah, s’il avait pu dès l’abord
Se dissoudre dans l’air sans borne.
Et gagner le pays des morts,
L’homme que je maudis, l’homme qui le premier
Inventa la haine et la guerre !
C’est par lui que le mal a le mal engendré.
Et pour un homme ainsi s’est perdu l’univers.
C’est lui qui m’a ravi
Le plaisir des guirlandes,
Des fêtes entre camarades,
Des verres bien remplis,
Et de la flûte au chant si doux.
Malheur ! et de goûter le délice des nuits.
Adieu l’amour ! Adieu les femmes !
Je reste ainsi acagnardé,
Pauvre soldat abandonné,
Cheveux trempés par le matin
(Seul souvenir du sombre front troyen).
Jadis, quand j’avais peur la nuit,
Quand sur moi tirait l’ennemi,
Le capitaine était un bon abri.
Maintenant il est là,
Sous la triste déveine.
Et moi, ma foi, et moi,
Où donc sera ma veine ?
Que ne suis-je au pays, où le cap sous les bois,
Par les vagues battu, vient surplomber la mer,
Au bout du Sunium et de son promontoire
Devant la ville sainte, à saluer Athènes !
Sophocle / Anthologie de la poésie grecque - Robert Brasillach