« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Chant de la Guerre

 

 




Quand donc viendra la fin ?

Quand cesseront pour moi les années épuisantes

Qui ramènent, sans voir la fin.

Le malheur, les dures campagnes,

Sur cet immense front troyen,

Mortel tombeau des camarades ?

 

Ah, s’il avait pu dès l’abord

Se dissoudre dans l’air sans borne.

Et gagner le pays des morts,

L’homme que je maudis, l’homme qui le premier

Inventa la haine et la guerre !

C’est par lui que le mal a le mal engendré.

Et pour un homme ainsi s’est perdu l’univers.

C’est lui qui m’a ravi

Le plaisir des guirlandes,

Des fêtes entre camarades,

Des verres bien remplis,

Et de la flûte au chant si doux.

Malheur ! et de goûter le délice des nuits.

Adieu l’amour ! Adieu les femmes !

Je reste ainsi acagnardé,

Pauvre soldat abandonné,

Cheveux trempés par le matin

(Seul souvenir du sombre front troyen).

 

Jadis, quand j’avais peur la nuit,

Quand sur moi tirait l’ennemi,

Le capitaine était un bon abri.

Maintenant il est là,

Sous la triste déveine.

Et moi, ma foi, et moi,

Où donc sera ma veine ?

Que ne suis-je au pays, où le cap sous les bois,

Par les vagues battu, vient surplomber la mer,

Au bout du Sunium et de son promontoire

Devant la ville sainte, à saluer Athènes !

Sophocle / Anthologie de la poésie grecque - Robert Brasillach