« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Le poète crotté

 

 

 

 

Quand vous ver­rez un homme avec­que gra­vité

En cha­peau de cla­baud pro­me­ner sa savate

Et le col étran­glé d’une sale cra­vate,

Mar­cher arro­gam­ment des­sus la chré­tienté,

 

Barbu comme un sau­vage et jusqu’aux reins crotté,

D’un haut de chausse noir sans cein­ture et sans patte,

Et de quel­que lam­beaux d’une vielle buratte

En tous temps cons­tam­ment cou­vrir sa nudité,

 

Envi­sa­ger cha­cun d’un œil hagard et lou­che

Et mâchant dans les dents quel­que terme farou­che,

Se ron­ger jusqu’au sang la corne des doigts,

 

Quand, dis-je, avec ces traits vous trou­ve­rez un homme,

Dites assu­ré­ment : c’est un poète fran­çois !

Si quelqu’un vous dément, je l’irai dire à Rome

 

 






 

Claude Le Petit (1638-1664).
Il fut pendu et brûlé en place de Grève pour avoir écrit une satire irré­ver­ren­cieuse, "Chro­ni­que scan­da­leuse ou Paris ridi­cule "; qu’un prê­tre ramassa.
Aupa­ra­vant, il avait paraît-il, assas­siné un moine… Il était aussi avo­cat au Par­le­ment de Paris, et, dit-on, l’auteur du "Bor­del des Muses".
(dixit "Le Livre d’Or de la Poé­sie fran­çaise", de Pierre Seghers).