« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

MONOGRAMME

 

 

 

 

Une fois, il y a longtemps, à un tournant de mon siècle

         j'ai pissé mes initiales dans la neige.

              C'était une de ces nuits d'hiver

qui tiennent d'une mission : la lune semblait en chaleur,

              au-dessus de moi des fonds de robe ruisselaient

 

au ciel et j'étais là dans la neige candide,

         pensant à une femme qui lisait dans mon jeu.

              Elle est venue. Ce printemps, elle est venue.

Le matin, nous avions les yeux fixés sur les rideaux épuisés.

              Elle est venue et ne pouvait pas rester.

 

Disait-elle. Disait-elle. Elle est restée chez moi tout l'été.

         Ses initiales battaient dans ma poitrine.

              Parfois, je regardais pendant des heures

bas, chevilles, robes et rideaux voluptueux.

              Et elle, qui lisait dans mon jeu,

 

qui savait quels étaient mes souhaits, elle ne pouvait pas rester.

         Le reste est vite raconté. Si vite qu'il vaut mieux

              l'oublier. Je suis enfermé

et j'expie. Le pire, ce sont ces rêves lubriques où je déterre

              la tête d'une femme.

Menno Wigman / L'affliction des copyrettes
Traduit du néerlandais par Pierre Gallissaires et Jean H. Mysjkin.