« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Fragile

 

 

 

 

1

 

fragile,

 

et parce que

c’est noir

sur la table

 

on dirait 

presque une

rose

 

2

 

mais je ne vois rien 

disais-tu,

 

3

 

une histoire d’amour ça pourrait commencer

comme ça

 

avec le cri des goélands

 

au petit hôtel du grand large

tu te souviens,

 

4

 

ce jour-là il a même fait du soleil

 

et puis le bleu était si bleu…

 

5

 

une histoire d’amour ça pourrait aussi 

comme ça

 

ne jamais finir.

 

6

 

mais pour commencer il faudrait encore

brûler toutes les images et toutes les langues

et encore brûler la cendre pour ne jamais

s’arrêter mais quelle folie… nous en avons

connu de ces hommes et de ces femmes loin

derrière ces forêts trop noires parce que j’ai

toujours voulu un autre visage pas même un

nom juste d’autres yeux et ne jamais pleurer

 

7

 

aujourd’hui j’entends plus les oiseaux

 

8

 

mais tout se passe comme si le crime était 

aveugle jamais une parole de trop pas même 

un mot rien parce que le silence c’est juste 

un délire comme les autres voilà ce qui nous

traverse une foule de paysages tous plus

ressemblants les uns que les autres mais

tremblants voilà tremblants…

 

9

 

alors c’est cela la musique

 

10

 

dans la maison une lampe brûle

 

il dit

qu’elle a trop de rêves 

que l’infini c’est toute la nuit

il dit qu’elle dit

que la vie ici ce n’est pas la vie

 

dans la maison partout les lampes brûlent

 

11

 

mais je ne vois rien qu’une ombre immense

pourtant regarde

il y a un homme qui regarde la mer, 

il la regarde comme il regarderait une femme 

qui elle-même regarderait la mer…

 

12

 

attendre

c’est toujours attendre

le jour qui ne vient pas 

 

fragile,

Gilbert Vautrin