HYMNE DE LA VOLUPTÉ
Par domcorrieras, le dimanche 28 avril 2024 - Poèmes & chansons - lien permanent
Ô douce Volupté, sans qui, dès notre enfance,
Le vivre et le mourir nous deviendraient égaux ;
Aimant universel de tous les animaux,
Que tu sais attirer avecque violence !
Par toi tout se meurt ici-bas.
C'est pour toi, c'est pour tes appas,
Que nous courons après la peine :
Il n'est ni soldat, ni capitaine,
Ni ministre d'État, ni prince, ni sujet,
Qui ne t'ait pour unique objet.
Nous autres nourrissons, si, pour fruit de nos veilles,
Un bruit délicieux ne charmait nos oreilles,
Si nous ne nous sentions chatouillés de ce son,
Ferions-nous un mot de chanson ?
Ce qu'on appelle gloire en termes magnifiques,
Ce qui servait de prix dans les Jeux Olympiques,
N'est que toi proprement, divine Volupté.
Et le plaisir des sens n'est-il de rien compté ?
Pour quoi sont faits les dons de Flore.
Le Soleil couchant et l'Aurore,
Pomone en ses mets délicats,
Bacchus, l'âme des bons repas,
Les forêts, les eaux, les prairies,
Mères des douces rêveries ?
Pour quoi tant de beaux arts, qui tous sont nos enfants ?
Mais pour quoi les Chloris aux appas triomphants
Que pour maintenir ton commerce ?
J'entends innocemment : sur son propre désir
Quelque rigueur que l'on exerce,
Encore y prend-on du plaisir.
Volupté, Volupté, qui fut jadis maîtresse
Du plus bel esprit de la Grèce
Ne me dédaigne pas, viens-t'en loger chez moi ;
Tu n'y seras pas sans emploi :
J'aime le jeu, l'amour, les livres, la musique,
La ville e la campagne, enfin tout : il n'est rien
Qui ne me soit souverain bien,
Jusqu'au sombre plaisir d'un cœur mélancolique
Viens-donc ; et de ce bien, ô douce Volupté,
Veux-tu savoir au vrai la mesure certaine ?
Il m'en faut tout au moins un siècle bien compté ;
Car trente ans, ce n'est pas la peine.
Jean de La Fontaine