LA DEMEURE ENTOURÉE
Par domcorrieras, le dimanche 27 novembre 2022 - Poèmes & chansons - lien permanent
Le corps de la montagne hésite à ma fenêtre :
« Comment peut-on entrer si l'on est sur la montagne,
Si l'on est en hauteur, avec roches, cailloux,
Un morceau de la Terre, altéré par le Ciel ? »
Le feuillage des bois entoure ma maison :
« Les bois ont-ils leur mot à dire là-dedans ?
Notre monde branchu, notre monde feuillu
Que peut-il dans la chambre où siège ce lit blanc,
Près de ce chandelier qui brûle par le haut,
Et devant cette fleur qui trempe dans un verre ?
Que peut-il pour cet homme et son bras replié,
Cette main écrivant entre quatre murs ?
Prenons avis de nos racines délicates,
Il ne nous a pas vus, il cherche au fond de lui
Des arbres différents qui comprennent sa langue. »
Et la rivière dit : « Je ne veux rien savoir,
Je coule pour moi-seule et j'ignore les hommes.
Je ne suis jamais là où l'on croit me trouver
Et vais me devançant, crainte de m'attarder.
Tant pis pour ces gens-là qui s'en vont sur leurs jambes.
Ils partent, et toujours reviennent sur leurs pas. »
Mais l'étoile se dit : « Je tremble au bout d'un fil.
Si nul ne pense à moi je cesse d'exister. »
Jules Supervielle / Les amis inconnus
Illustration : Par Carlo Rim. dessin original à l'encre noire rehaussé au correcteur blanc représentant le poète Jules Supervielle.