« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Tendez la main


 

 

Tendez la main touchez ces grands monts invisibles

Cet homme vous apporte en cette chambre close

Plus de ciel qu'il n'en est au-dessus des montagnes.

Rafraîchissez vos mains à ses rives mouvantes

Penchez-vous et voyez comme le parquet même

Est un lac devenu où tremble votre image.

 

✿✿

 

Qu'on lui donne un miroir au milieu du chemin

Elle y verra la vie échapper à ses mains,

Une étoile briller comme un cœur inégal

Qui tantôt va trop vite et tantôt bat si mal.

 

Quand ils approcheront ses oiseaux favoris

Elle regardera mais sans avoir compris

Voudra, prise de peur, voir sa propre figure

Le miroir se taira, d'un silence qui dure.

Jules Supervielle / in "raison d'être" N°5, juin 1929
Illustration : portrait de Jules Supervielle par Jean de Bosschère, vers 1935.