« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

BIENHEUREUX DÉSIR

 

 

 

     Ne le dites à personne, sinon au sage,
Car la foule est prompte à railler :
Je veux louer le Vivant
Qui aspire à la mort dans la flamme.

     Dans la fraîcheur des nuits d'amour
Où tu reçus la vie, où tu la donnas,
Te saisit un sentiment étrange
Quand luit le flambeau silencieux.

     Tu ne restes plus enfermé
Dans l'ombre ténébreuse
Et un désir nouveau t'entraîne
Vers un plus haut hyménée.

     Nulle distance ne te rebute,
Tu accours en volant, fasciné,
Et enfin, amant de la lumière,
Te voilà, ô papillon, consumé.

     Et tant que tu n'as pas compris
Ce : Meurs et deviens !
Tu n'es qu'un hôte obscur
Sur la terre ténébreuse.

     Un roseau sort bien de terre
Pour emplir de douceur le monde !
Puisse du roseau qui trace mes vers
Couler un flot de douceur.

Goethe / Le Divan
traduction d'Henri Lichtenberger