« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

DISCOURS DE GASON AU RUSTIQUE

 

 

 

Entre vous vilains de village
Faites le blé et la semence
Et tous les autres labourages
Et couchez la nuit es bocages
Par les buissons où vous tremblez
Pour garder les bêtes sauvages
Qu'el ne viennent manger les blés.
Mais quand les avez assemblés
A grand labeur et martyre
Ils vous sont tollus et emblés
Et si n'en avez que du pire.
Quand est du vin je puis bien dire
Que nul temps guère n'en avez.
Fors que du bœuf et que l'on tire
Encore à grand'peine en aurez.
Ainsi êtes-vous toujours grevés,
Et au regard de votre ouaille,
Rien n'en mangez, bien le savez,
Fors que larmer et la tripaille.
Si hardi de manger poulaille
Vilain, car vous n'oseriez.
Et aussi vous ne pourriez
Fournir à payer votre taille,
Si au marché ne portiez
Pour la vendre, votre vitaille.
Vous ne mangez que chair salée
Et de la puante ;
Et si, êtes toute l'année
Au temps et à la tourmente.
Et pour ce vous aurez de rente
Pour votre labourage et peine
Le froid au cul quand bien vente
Par chaque jour de la semaine.

 

Anonyme (vers 1580) / La Poésie du Passé / Paul Eluard