« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

le cadavre était une joie

 

 

 

le cadavre était une joie… la joie était pour toujours… transitoire et permanente… tout s'en allait à intervalles différents fredonnant et à la fois défaisant l'harmonie… le vaste flux… la matière froide… sombre… et le trans de ce nimbe… de ceci… cela dont… plus de… chante… les organes se gélifient… deviennent cireux… lentement congèlent… partout l'épaississement accélère… d'abord parcellaire… puis une impression de raideur… états changeants et codes étranges… j'étais là et non-là… j'étais partout et glissais facilement hors de la tête et ne possédais nulle forme… ne possédais nulle… oh la la… oh… le cyclone ne cessait de prendre de la vitesse et puis tout… tic-tac… martelant… sonnant… faibles tintements… un volume lointain s'accroissait et… chaque chose inanimée émettant un son plus fort… une note… un clic… filant filant… un parfait sonneur de cloches… j'étais maintenant et pas maintenant… un quelque chose dans ce monde de choses… un bout de vertige pétrifié… les étoiles une fanfare hurlante… j'entendais leur croissance… une symphonie des disparus… un vertige enivrant… un machin-chose orchestral… et les morts m'accueillaient comme ils… à présent nous… écoutions le bang bang… je m'accordais… un carillon en bois bidula quand les lèvres putréfiées des cadavres se retroussèrent un tantinet pour me sourire…

Peter Grizzi / Et maintenant le noir
Traduit de l'anglais (États Unis) par Stéphane Bouquet