« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

LE DIABLE ÉTAIT UN GENTLEMAN

 

 

 

Le Diable était un gentleman
Il voulut soulever son chapeau
Mais le chapeau resta coincé sur une corne
Le Diable fut surpris et pris de court.

Le Diable était un gentleman;
Le type de l'anonyme parfait,
Dantesquement il aima une femme,
Qui s'avéra aussi froide qu'une glace au lait.

Cependant le Diable était un gentleman,
Donc le Diable n'insista pas ;
En tirant grotesquement dessus, il cassa la couronne —
Plus de dame, disparue !
Voici que le Diable était devenu
La risée de toutes les personnes ;
Le mal ne rôdait plus
Sous les dalles de l'infernal pavé.

S'inclinant devant un miroir,
Pour observer sa barbe géhénnée,
Il sursauta pris de frayeur,
C'était bien pire que notre cher démon craignait.

Il était conscient d'avoir abîmé
Son chapeau, cabossé, en lambeaux,
Mais Ciel n'avoir pas seulement profané
Sa coiffure mais sa corne le corniaud !

Ce fut un démon tête nue et uni-
Corné qui revint en boitant amèrement
Chez les hommes ; la rumeur mourut lentement
Que gentleman, naguère, il avait été.

 

Malcolm Lowry / Le phare appelle à lui la tempête
Traduit de l'anglais par Jacques Darras