« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

LISANT LES REMARQUES D'EDMUND WILSON À PROPOS DE RIMBAUD

 

 

 

Contremaître des carrières à Chypre,
Grainetier de génie disséminé dans l'eau du fleuve
Chef débardeur à Marseille, ami d'un
Fabricant de savon aux tourbillonnantes Cyclades,
Pas le type du fils ingénieur réalisant le pont-de-ses-rêves,
Carliste, communiste, soldat batave mais
David de nul Goliath des Forêts-Noires,
Dormeur chauffé à blanc aux cailloux du ballast à midi
Absinthe manquée au Yorkshire Grey
Vendeur de trousseaux de clés, lacets de chaussures,
                                                      malles de voyage
Commis voyageur de « Springboart & Tumplingakt »,
Rêveur de chemin de fer pour Addis Abeba,
Ahab des pluies abyssiniennes,
Jamais gaspilleur de la fausse semence du soleil
                                                          comme Onan,
Suffisamment faux cependant pour trafiquer d'un clair
                                                                      de lune,
Cousin démon de la famille Verlaine,
Avec des couilles entre les omoplates et ailleurs,
Camouflage pour lèpre de vieilles murailles
Pour pèlerins de l'âme avec sagesse ultime à Harar
Pour trafics engagés avec des roitelets vaniteux
Concernant femmes monstrueuses d'Oubangui-Chari,
                                                                      Tchad,
Naviguant par chameaux capables de monter à
                                                                St. Paul's
Ou bien venant de Sokotra ou des îles des Damnés
Selon l'humeur ; bâtisseur de canaux mais pas sourcier,
Poésie sanglée à la taille d'une ceinture en serpents
Cousue de mensonges civilisés comme pierres
                                                             précieuses,
Calmée la volonté la vie dans un rêve Isabelle à côté
                                                                         de soi,
Mourir loin de la ferme familiale, à l'heure de la
                                                               moisson.

 

Malcolm Lowry / La lune en Scandinavie (extrait)
traduit de l'anglais par Jacques Darras
Illustration : portrait de Malcolm Lowry par Remo M. Farruggio