« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Il souffle un vent d'hiver dit-on sur le monde

 

 

 

Il souffle un vent d'hiver dit-on sur le monde
les âmes comme une eau sont prises par le gel

il est aisé d'en comprendre la raison
peut-on imaginer des vagues disjointes de la mer ?
et voici l'homme pourtant exilé de son rêve

or si la pensée ne naît pas du rêve
où nos pas voisinent avec le ciel
où nos gestes sous le sceau des étoiles
suscitent dans la nuit des feux qui éclairent
où le regard habite un printemps sans preuves
alors la pensée errante
jette sur les choses une ombre froide

philosophez sur le vide dans un désert
vous entendrez rire les serpents et les pierres
mais à quelques-uns ivres sous la tente
écoutez le chant du Porteur-de-la-Nuit
ou partagez avec les dattes et le miel
au plein centre de la mort
le poème de Darwich à l'amour intègre
et vous comprendrez ce qui sans âge
justifie le pas de l'homme dans le désert

il y a un cœur absent dans le monde
quand le chant se tarit
nous nous adonnons à des puissances tristes
qui tuent tout ce qu'elles touchent
et il y a plus d'âme dans la crinière d'un cheval
nouée au vent
que dans le moindre de nos gestes

il n'y a d'âme en l'homme et de joie
contre-écho de ses douleurs
que dans l'élan vers d'indécises beautés
que la pensée ignore

 

Jean-Pierre Siméon / Levez-vous du tombeau