« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

POUSSÉ DEHORS SOUS UNE COURONNE

 

 

 

POUSSÉ DEHORS SOUS UNE COURONNE,
poussé dehors sous des crachats dans la nuit.

Sous quelles
étoiles ! Rien qu'argent
de marteau du cœur battu gris. Et
Chevelure de Bérénice, ici aussi, — je tressais,
détressais,
je tresse, je détresse.
je tresse.

Ravin bleu, en toi
je pousse l'or. Avec lui aussi,
l'égaré prodigue chez filles et putains,
je viens et je viens. Vers toi,
mon aimée.

Avec aussi juron et prière. Avec aussi chacune
des massues qui vrombissent
sur moi ; elles aussi fondues
en un seul être, elles aussi
liées en fascine phallique vers toi.
Gerbe-et-parole.

Avec des noms, imbibés
de chaque exil.
Avec des noms et des semences,
avec des noms, plongés
dans tous
les calices saturés de ton
sang royal, être humain, dans tous
les calices de la grande
Rose du ghetto d'où
tu nous regardes, immortel de tant
de morts mortes sur des chemins de matin.

Et voici que monte une terre, la nôtre,
celle-ci.
Et nous n'expédions
aucun des nôtres vers
ton abîme,
Babel.

 

Paul Celan / Choix de poèmes (réunis par l'auteur)
traduit de l'allemand par Jean-Pierre Lefebvre