« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

LARMES

 

 

 

Délicieux Amour ! ô céleste ! si moi
     Je t'oubliais, si moi, oh ! vous fatalisées,
          Vous si pleines de feu, qui n'êtes plus que cendre
               Et déjà sans cela, désertes, désolées,

Vous les îles aimées, les yeux de l'univers
     Miraculeux ! Il n'est que vous pour me toucher
          O vous rivages où l'idolâtrie expie,
               Et pourtant pour les seuls célestes, son amour !

Car leur vénération fut trop grande, à ces saints
     Dans les jours de beauté, là-bas, et aux héros
          Violents qui vous servaient ; et des arbres nombreux
               Là même et des cités se sont tenus debout

Bien évidents, pareils à l'homme qui médite.
     Aujourd'hui les héros sont morts, défigurées
          Les îles de l'amour. C'est ainsi, par l'abus
               Que partout va l'amour à l'imbécilité.

Oh ! larmes attendries ! la lueur dans mes yeuxi
     Ne l'éteignez pas toute ; au moins une mémoire
          Oh ! laissez-la, que noblement je meure,
               Fourbes, voleuses, vous ! vivre après moi.

 

Freidrich Hölderlin / Poèmes antérieurs
traduit de l'allemand par Armel Guerne