« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Regardez les martinets

 

 

 

Regardez les martinets :
ils sont autant de traits de fer forgés dans les murs,
décochés vers les quatre angles du ciel
quand tombe le soir d'été.

Alors, je crois entendre le vieux musicien,
forgeron, lui, de volutes et de flammes,
pour la dernière fois peut-être supplier :

« Belle archère, détournez de moi votre arme,
que je ne pâlisse ni m'effondre comme ces nuées. »

 

Ou ne seraient-ils pas plutôt, ces oiseaux, des hameçons jetés
pour retenir par ses écailles juillet trop fuyant ?

Et lui d'écrire encore, sur les dernières portées,
peut-être, de sa vie :

« Telle inconnue pêchant dans sa barque légère
m'a ferré moi aussi.

Si j'ai cru doux d'abord d'être sa proie,
maintenant le fer tire sur mon cœur
et je ne sais si c'est le jour ou moi qui perd son sang
dans ces eaux nacrées. »

 

Philippe Jaccottet / Le dernier livre de Madrigaux