« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Un homme mort

 

 

 

Du brouillard par exemple
Ou des bruits de pas de tous les escaliers,
Dans le vague surgit, l'exécuteur testamentaire.
— C'est ici que tout commence.

Lointain hier……
Sur les chaises d'un bar sombre,
Ne sachant que faire de nos visages déformés
Il nous arriva même de retourner des enveloppes.
«En réalité, il n'y a ni ombre, ni forme ?»
— Pour n'avoir pas su mourir, nous pouvions l'affirmer.

Oh, M ! Le ciel bleu et glacial d'hier
Sur la lame du rasoir à jamais demeure.
Mais quand, et en quel lieu
T'ai-je perdu de vue, j'ai oublié !
Un âge d'or qui fut bref —
On changeait l'ordre des mots, se prenait pour les dieux —
De marmonner : « C'était là nos vieilles ordonnances…».

Toujours la saison était l'automne, hier comme aujourd'hui,
«Dans la tristesse tombent les feuilles mortes»
Cette voix vers les homme, et vers les villes,
Avait parcouru un noir chemin de plomb.

Le jour des funérailles, pas un mot
Nul présent
Pas d'indignation, d'amertume, de chaise molle de la plainte.
Levant les yeux au ciel
Rien que toi qui repose paisiblement les pieds enfoncés dans les lourdes bottes.
«Adieu ! Le soleil et la mer ne méritent pas la confiance»
M ! Qui dort sous terre M !
La plaie ouverte dans ton poitrail à présent te fait-elle encore mal ?

Ayukawa Nobuo / Poèmes (1945-1955)
traduit du japonais par Karine Marcelle Arneodo