« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

par le sang

 

 

 

par le sang de mon père et de mon grand-père
bûcherons schlitteurs sagards qui coulez par mes veines
dans les sapins noirs et les épicéas
dans les pinasses sèches et les hêtres noueux
par le sang - mon sang -
que j’ouvre mes veines si je mens

puisse le feu des bossottes et des fagots
allumer les chandelles de vos yeux fermés
et la scegotte se limer sur la pierre de vos cœurs
pour couper droit la forêt qui m’habite

bûcherons schlitteurs sagards
foulant brimbelles et cocottes
ô vos joues roussies par le travail
et votre épaule usée par la soyotte

ô le sang de mon père et de mon grand-père
le Dédé et l’Henri déterrés par ma voix
ô le sang de ma mère et de ma grand-mère
la Jeannine et la Madeleine
tout là-bas tout là-bas dans la vallée
vivez vivez et revivez

puisse le feu des bossottes et des fagots
allumer les chandelles de vos yeux fermés
et la danse des morts tourner autour du feu
la ronde des forêts
ô la ronde du temps passé
que j’ouvre mes veines si je mens
vous y verrez l’épine noire d’un sapin dedans

 

Chloé Charpentier