« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

pars avant le soleil

 

 

 

prends à gauche à Moscou ou
retrouve-moi à l'Enchilada House.

les chiens m'ont traîné
jusqu'ici.
je suis paralysé par le Destin
mais joue comme un secondeur dans le
4e quart-temps.

boire ?
ou penser ?
autant boire.

on ressemble au philosophe
de la pierre
à force de vouloir des choses meilleures.
avant on détruisait, maintenant on prend acte
de ce qui reste :
nous, eux, la Machinerie
et soi.
indissociables comme l'escargot et
la feuille.
bon dieu qu'est-ce que ces règles sont
affreuses !
qui les a mises au point ?
ramenez le bâtard, qu'on le fasse griller avec
l'agneau !
marrant à dire, quoi ?
de la même façon que Marie avait un petit agneau
et qu'elle s'en est allée par le
train de 9 h 15.
des trucs vieux comme le monde.
des trucs austères, avec un sourire
à l'envers.

boire ?
ça change rien,
et ça change tout.

le plus important c'est ce qui arrive
aux autres, pas
à toi.
comme ce serait étrange d'en arriver
là.
l'eau minérale des Alpes ne pourrait pas le dire
mieux.
pas plus que l'arbitre qui te compte jusqu'à dix.

la magie fortuite d'une idée
bien conçue
peut te mener de flammes en flammes,
d'un enfer à l'autre.
c'est tout ce dont il est question ici
de ce côté de la
pierre.
prends à gauche à Moscou, ramène-toi
depuis Denver.


bois.

 

Charles Bukowski / Tempête pour les morts et les vivants
traduit de l'anglais (États-Unis) par Romain Monnery