« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

DE LA CHERCHERIE…

 

 

 

                           La réalité n'est pas, la réalité demande
                       à être cherchée et conquise.
 
                                                                    Paul Celan


Que cherche-t-il ?

     Au Moyen-âge, le poète était dit troubadour ou trouvère, c'est à dire trouveur. Les romantiques faisaient encore de lui un élu, un inspiré recevant de la nature et de la rêverie cette espèce de parole heureusement « trouvée » que jadis lui dispensaient les muses. Déconcerter par la surprise comme le souhaitait Baudelaire, être un inventeur d'inconnu comme le voulait Rimbaud, « laisser la place à la trouvaille » comme le réclamait Apollinaire, ce sont là quelques-uns des motifs qui placent la poésie au plus près du don gratuit, telle un phénomène d'entente et de réception singulier, dépourvu de cause précise. Cette grâce de la trouvaille, appliquée cette fois au monde extérieur, constitue d'ailleurs un des sujets préférés de l'écriture poétique : qu'il s'agisse de l'éveil de la nature, de l'apparition soudaine d'une figure aimée, ou de « l'objet trouvé » cher aux surréalistes, elle privilégie les imprévisibles points de rencontre, les instants où la trajectoire ordinaire de la vie est éblouie tout à coup par quelque émerveillement.
     Mais si le poète est trouveur, il est aussi chercheur. Curieusement, l'une des étymologies parfois proposées du mot « rime » le rapproche, non du rythme, mais du verbe latin « rimare » qui signifie rechercher, examiner avec soin.
     « Il va, il court, il cherche. Que cherche-t-il ? » écrivait Baudelaire à propos du « peintre de la vie moderne ». Que cherche donc la poésie, sinon, comme Henri Michaux, à « approcher le problème d'être » ? En posant des questions qui portent moins sur l'être que sur la circonstance : « Où sommes-nous ? », « Quand sommes-nous ? » Ainsi de Rilke demandant dans sa cinquième Élégie : « Où donc, où est le lieu ? », ou Verlaine faisant dialoguer l'âme et le cœur à propos de l'indéfini du sentiment dans la septième « Ariette oubliée » des Romances sans paroles :

 

                             Mon âme dit à mon cœur : Sais-je
                             Moi-même que nous veut ce piège

                             D'être présents bien qu'exilés,
                             encore que loin en allés ?

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Jean-Michel Maulpoix / adieux au poème (extrait)