« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

signe des cygnes

 

 

 

à Anise Koltz


Le signe circonflexe des migrations
          Volait vers une autre lumière
Et rien ne descendait des hautes régions
          Qu'une plainte triangulaire

Ah ! les cygnes prémonitoires de l'hiver
          Disent l'aube de la vieillesse
Au gré des cheveux blancs et des amours amers
          Et pourtant de je ne sais qu'est-ce

Hélas ! les longs courriers de l'âge sont pareils
          Bien que tous les couchants diffèrent
Et nous appréhendons le retour sans soleil
          Au pays sans fin de la terre

Comme les cygnes j'ai vu l'ombre et la clarté
          Alterner leur fuite à la ronde
Dans la succession de l'irréalité
          Des heures au cadran du monde

Est-ce vrai que le temps n'est qu'une fiction
          Dans notre spirale éphémère
Où l'amour qui nous semble une explication
          Est l'autre secret d'un mystère

Les cygnes passent sans sembler se soucier
          De ce qu'il faut penser ou croire
Quand en vain nous cherchons jusqu'au seuil
                                                               sans clarté
          La clarté d'une aube illusoire

Savent-ils moins que nous si le monde est sans ciel
          Ou si le ciel a plusieurs mondes
Connaissons-nous mieux qu'eux le principe éternel
          Qui fait que tout fuit comme l'onde

Voici qu'un nouveau vol inscrit à l'Orient
          Son aérienne logique
Est-ce vrai que bientôt les baisers du printemps
          Reviendront après les colchiques

 

Robert Goffin / le versant noir
Illustration : portrait de Robert Goffin par Willem Paerels, 1936