Je voulais que mes mains soient en vie, aient une vie bien à elles, qu'elles s'usent, qu'elles souffrent parfois, qu'elles gardent certaines teintes et certaines tâches, qu'elles soient fières de ce qu'elles touchent, frôlent, caressent. qu'elles aillent vers le sensuel sans devoir prendre sur elles. Je regardais mes griffures, mes coupures. Je caressais mes cicatrices. Je gardais le violet du chou rouge sous mes ongles, comme la terre. Mes mains vieillissaient, comme le reste. J'écrivais des mots, posais des croix sur le dos de ma main. La gamine me demandait « pourquoi ? », je répondais « parce que je n'ai pas de tête », elle répliquait que j'avais une très grosse tête, alors je précisais que je n'avais pas de mémoire. Mes mains finissent toujours par me le rappeler.

Stéphanie Quérité / Lignes de désir (extrait)