« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

CHRONIQUE AVEC ET SANS FRUIT

 

 

 

À Sparte, les oranges commençaient à peine
à quitter l'immaturité
Pour trouver la douceur.
Leur décision d'évolution
était accompagnée vers le bas
par la couleur d'origine,
comme effrayée par cette hâte mise à mûrir,
qui à tout bout de champ s'arrêtait
vert sombre méfiant.
Le va-et-vient du jus
dans le fruit hésitant
demandait dans l'écorce équivoque
un achèvement redouté.

Et pas seulement dans les oranges.
En moi-même un mouvement approchant. Quelque chose
qui se libérait dans la terreur.
Une angoisse mûrissait, pourrissait en fatigue.
Pour que je trouve la douceur.
Le va-et-vient de l'amertume
dans la blessure hésitante
dans le destin équivoque
demandait un là ça suffit.

À Mystra,
halètement de l'histoire,
apothéose de la pierre.
Ruines
et ruines du retour au passé.
Les marches jusqu'en haut
et l'absence de marches jusqu'en haut.
Trônes renversés
temps marmoréens,
arches coupoles,
rôles détrônés.

Pour trouver la douceur.
Pour que je sorte de ces ruines
de ce qui ruine tout
de ces régions ruinées
avec une chanson.
Mais les chansons
ne sont que lunettes brisées partout sous nos pas
biographies des eaux qu'on a bues
ou pas bues,
hara-kiri qu'on s'inflige
avec des noms et des aiguilles de montre.

Rôles détrônés.
Dans l'église Peribleptos
un Te Deum pour Autrefois.
Ombres empereurs.
J'ai feint de ne pas voir les Paléologues
et n'ai pas souffert de ce que ton trône
voie d'un bon œil une araignée.
Et j'ai allumé un cierge aux Prologues
de toute Chute.

 

Kiki Dimoula / Mon dernier corps
traduit du grec par Michel Volkovitch