« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

ÊTRE SEUL

 

 

À Jean Vodaine

Être seul
Mais parler
Inventer des oracles
Imaginer des fables
Peupler son monde nu
De bêtes bienveillantes
Et puis recréer l'homme
Dans son Eden perdu.

Ô mes amis cachés
Mes amoureuses inconnues
Je n'ai pas de clé à vous donner
Pour ouvrir les avares coffrets de la beauté
Mais seulement un peu de cette chaleur
Qui monte d'un degré dans l'ampoule du cœur
Rien qu'en sachant que vous êtes au monde.

Le peu de bonté qui me reste
Le peu d'émerveillement
Devant l'abre la fleur
Je veux le partager
Je voudrais le sauver.

Il est facile de dire :
Après nous le déluge
Il est facile de mentir
De mette un loup sur son visage.

Il est facile de faire de sa solitude
Un abri noir bardé d'acier
Il est facile de s'aveugler
Pour mieux changer.

Mais vivre en plein soleil
Saluer le bouvreuil
Et remercier la pluie
Mais rire dans la rue
Baiser la femme nue
Et savourer l'oseille
Mais dire et redire oui
À la confiance, à l'espérance
Malgré le mal et la misère…

 

Edmond Dune / Rencontres du veilleur (1959) Photo : Dune en 1962-1963 aux journées de Mondorf (photo : Willem Enzick)