« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

paume à paume

 

 

Tout simplement jour par jour en prise directe
Je m'en vais ou bien est-ce le temps qui recule
Au verglas verdoyant des dérives suspectes
De chair en feuille et de sillage en crépuscule

J'entends la cloche aux paupières de mes saisons
Où rien n'existe que la hâte du soleil
Ramenant en baisers de lointaines chansons
Au bord de l'âge où les yeux fermés sont pareils

Combien en ai-je vus de printemps et d'automnes
Irréversible aux havres de la mémoire
S'évanouir de belle-dame en belladone
Vénéneuses aux porte-voix vibrants des phares

Je n'ai plus que la certitude pour demain
Presqu'encore à peine d'être et d'avoir été
Et de n'entendre plus qu'aux hallalis lointains
La musique de chambre des noms retrouvés

Je me démaille et je m'en vais et me dénoue
Avec les lèvres d'ecchymose qu'on oublie
Et les trains égarés sur d'anciennes roues
Au bout des rails énigmatiques de la vie

Je meurs d'amante en amante depuis longtemps
Avec des nuits cueillies à mon calendrier
Qui s'effeuille aux écluses étanches du sang
Pour le dernier versant de nos jours partagés

Je voudrais avant le silence des tubas
Au téléphonique minuit des fossoyeurs
Entendre au bout de l'ombre une dernière fois
Chanter le refrain bleu pour la nuit de mon cœur

Il me rappellera que les jours sont passés
Où le tremblant aveu des lèvres en allées
Chantait avec ce chant des nuits et des baisers
Au carrefour paume à paume des fiancées

 

Robert Goffin / le versant noir