« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Il pleuvait

 

 

Il pleuvait et les godasses
Prenaient toute la flotte du ciel et de la terre
Et le parapluie se cassait sous le vent
Et finissait dans une poubelle
De la Judengasse ou de la place de la cathédrale
Ou n'importe où
Et ma tête prenait la flotte aussi
Et mon âme aussi
Et mon sens du rythme aussi
Enchanté à mort
Le café arrivait sur son petit plateau
Accompagné d'un verre d'eau
Et je parlais allemand comme un masochiste
Il y a des fois à l'opéra
Des visages renversants
Qui te scient de leurs mauvaises lames
Qui ne font que déchirer ta peau
A la façon de l'art abstrait
Et tu les emportes
Comme "Don Giovanni"
Partout où tu vas après
Mais cet "après" n'est qu'éternel
Tu le sais entre temps
Ceci n'est pas une ville...
Ceci est le revers de mon désarroi
Mon ultime exactitude des sens
C'est là où je suis quand j'ai l'air absent

 

Alexandra Shahrezaie / La petite utopie anarchistre