« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

ARDENNE

 

 

 

L'ouragan de novembre
Emporte les derniers espoirs
Dans les mâtures craquantes
Des arbres couronnés de houx.

Les mousses, les lichens
Par leurs lentes croissances
Effacent les pas des verts chasseurs
A la recherche d'un amour lointain.

Les racines tenaces pompent les phosphates
Dans les terres épuisées
Les chlorophylles secrètes
Sont mortes au soleil pris dans les brumes.

La renarde s'apprête à regagner sa cache
Les larves s'enfoncent dans l'écorce
Les couleuvres ne se nouent plus sous la fougère
Pour de brèves étreintes.

L'amanite dresse une dernière fois son parasol empoisonné
Dans le sous-bois où pourrissent les feuilles mortes
Des mouches bleues bourdonnent métalliques
Dans la fourrure des lièvres criblés de plombs.

Ultime hommage! l'encens de la terre
Monte en écharpes blêmes vers les halliers
Suspendus aux flancs des collines puissantes
Où plane indifférent l'épervier solitaire.

Les étoiles sont noyées dans la verdure éteinte
Le vent nourrit des âmes chlorosées
D'un air de fer et d'ardoise éclatée
Une rose de quartz scelle la bouche du silence.

 

Edmond Dune / Autres poèmes de jeunesse (1934-1939)
Photo : Dune dans les années 1930 (archives familiales)