« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Pan soupire

 

 

 

Écoute ! un son parvient du taillis
Et je m'approche en glissements de serpent
Pour scruter ses profondeurs feuillues
Où sommeille, comme un enfant, le printemps
Sur un roc glacial et sombre et vieux
Où le saule, immobile rideau,
Laisse couler sa simple traîne,
Pan — assis-là depuis l'origine du monde
Couve la scène du regard
Près d'une mare silencieuse où se penchent
Son propre visage et la courbe du ciel
Dans un frisson de muette amitié.

 

Pan soupire et porte à ses lèvres
Ses flûtes, que ses doigts parcourent
Avec bonheur ; puis, doucement
Il souffle une simple et claire
Une simple et légère mélodie
Qui hésite, comme une eau souterraine,
Tandis que le monde attend, muet, tendu,
Attend sa flûte magique.
Un trait soudain, argenté, strident
Comme un filet d'eau dévalant une colline,
Se répand, se brise comme vif-argent
Éclaboussé en mille éclats sur
Le rideau du saule, à travers lequel
Il s'élance sans répit ni retard
Jusqu'aux prés silencieux ; s'il s'arrête
C'est pour une respiration et à nouveau
Il s'élève comme pour atteindre le ciel,
Comme le cri argenté
De quelque oiseau. Une note se détache
— Un papillon d'argent qui tourbillonne
Autour d'une rose, puis se pose
Sur les âmes en peine qui errent
Jusqu'aux bords d'une mare aux saules verts
Et s'y couchent pour dormir dans sa froide
Virginité.

 
          Ah, le monde
Autour duquel s'enroulent les rêves humains
Est un cocon, mince et froid,
Qui semble toujours nouveau !
Le cœur de la terre brûle de neiges d'hiver
Tandis que Pan, tendre et frémissant, joue
Pour de futurs printemps, aussi froids et tristes
Que celui-ci, et assis, comme écrasé
De tristesse, le regard accablé
Et tourné vers les cieux éternels,
Pan soupire et observe la scène
Au bord de cette mare paisible où se mélangent
Son propre visage et la courbe du ciel
Dans un frisson de muette amitié.

 

William Faulkner / Le faune de marbre
traduit de l'américain par R. -N, Raimbault et Suied
Illustration / Faulkner, portrait par Sokol avec des mots de "Le bruit et la fureur".