« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Dans le gris de la terre

 

VII


Dans le gris de la terre et de la voûte
Du ciel, où monte une bourrasque
Qui pâlit tranquille dans une paix fanée,
Venu me dire que s'il pleut c'est le printemps,

Un oiseau vole, blanc, les ailes
Blanches, hérissées dans son vol contre l'air,
Son buste blanc qui frôle les poteaux,
Les tuiles, les arbres, les rares phares…

Fuite ou triomphe ? Aveugle effroi ou frétillement
De ravissement, sacré bien que ivre ?
En tout cas pur, nu de tout vice,

Nécessaire. Et plus les ténèbres
S'épaississent, plus la lumière aveugle. Le monde
N'a pas de regrets : toute créature vole et sombre.

………

Nel grigio della terra e della vota
del cielo, dove sale una bufera
che bianca quieta in una pace smorta,
a dirmi che se piove è primavera
vola un uccello, bianco, cn le ali
bianche, irte nel volo contro aria,
col petto bianco che rasenta i pali
le regole, le piante, i radi fari…
Fuga o trionfo ? Cieco spavento o guizzo
di rapimento, sacro benché ebbro ?
Comunque puro, nudo d'ogni vizio,
necessario : e più la tenebra
     si addensa, più la luce acceca. Il mondo
     non ha rimpianti : chi esiste vola e affonda
.

 

Pier Paolo Pasolini / Sonnet printanier (Sonetto primaverile) - 1953
traduit de l'italien par René de Ceccatty
Photo : vittoriano rastelli/corbis via getty images