« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Un jour sur une colline adolescente

 

 

 

XVIII

 

 

Un jour sur une colline adolescente
Était étendu un garçon qui guettait, parmi les formes
Entassées des cumulus dont l'air sculpte l'argent,
Un aigle solitaire et libre, et le calme
Sereinement bleu où s'abolit le désir.

Les paisibles vallées de la terre n'étaient plus ; il ne
              regardait ni en arrière
Ni en bas ; il n'apercevait plus
Les luxuriants chemins de paix vernale, et les vertes
Marées étales et tranquilles des arbres, ni l'or qui
              tournoie
Sur le mur éclairé par la lampe, là où n'est de vitesse
Que celle de paisibles propos entre le souper et le lit.

Ici toujours le bleu, les promontoires ; ici toujours lui
Qui ne veillait point et n'était pas éveillé.
L'aigle accéléra sa course hautaine et solitaire ;
Il disparut. Mais toujours sur sa montagne esseulée le
              garçon
Survolait, par-delà les changeants promontoires,
              l'espace où s'étendait
Le lac inchangé de l'azur.
Et il vit les fuyants abîmes du ciel
Chanceler au hurlement prémonitoire du hauban et de
              l'aileron gauchi
Et sa propre ombre solitaire sur les parois vertigineuses
Où retentissent les foudres éternelles du soleil.

William Faulkner / Un rameau vert
traduit par R.-N. Raimbault et A. Suied