Si tu savais combien je suis vivant,
Combien ma tête a de têtes en elle,
Chacune avec un théâtre ambulant
Et des décors, et des actrices telles
Que le soleil n'en a plus à présent.

Je porte en moi des siècles de poèmes
Et chacun d'eux porte le monde en lui
De tous ceux-là qui gardent en eux-mêmes
Un trésor né des présents inouïs
Dans la splendeur des métaux et des gemmes.

J'entends chanter la cohorte utopique
Et des cités s'élèvent dans l'azur,
En rêves fous des hommes qui s'appliquent
A changer l'homme en changeant son futur
Et dont l'amour est la seule pratique.

Je suis vivant, vivant par tout mon torse,
Par la pensée ouverte aux profondeurs,
Vivant de vivre au-dedans de l'écorce
Et de jeter mon feuillage à la peur
Dans le défi de mes intimes forces.

Robert Sabatier / L'oiseau de demain