« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Mon frère, mon compagnon de tant d'années


 

 

Mon frère, mon compagnon de tant d'années,

Tu t'en es donc allé là où nous allons tous,

Me voilà à présent en un lieu désolé,

Je suis seul, et le vide est partout.

 

Me faudra-t-il longtemps rester tout seul ici

Dans un jour, dans un an, il n'y aura plus rien.

Là où je me trouve, à regarder la nuit,

Sans rien comprendre à mon destin…

 

Tout passe — c'est si facile de ne plus être !

Qu'importe que je sois là ou que je n'y sois pas ?

Ce sera toujours ici la même tempête,

La même nuit, la même steppe qui n'en finit pas.

 

Ma vie est déjà vécue depuis longtemps,

Les jours sont comptés, les pertes innombrables,

Il n'y a désormais plus personne devant,

Et je suis le prochain sur la liste fatale.

 

11 décembre 1870

Fiodor Tiouttchev / Poèmes
traduit du russe par Sophie Benech