« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

odeur de ciel lucide


 

ODEURS IV

     odeur de ciel lucide et de pensée considérable / odeur de ce qui fait bouger dedans dehors, de ce qui parfois sauve / odeur scène écran papier — et matériaux divers — imprimé gravé dessiné délavé point tordu déchiré barbouillé détruit / odeur dentelle de colle chaude pour piéta nombreuses et fils et filles / odeur de Cendres bleues / odeur de constellations et de vautours — ces « beaux chéris » en cage au zoo de Barcelone / odeur racines bâches aériennes nageurs et porteurs / odeur désarroi des Sœurs de / odeur de petite nuit et d'angle noir. / odeur de Meuse et de mots emmêlés le long du quai Rimbaud / odeur de cent paires de bottes militaires suspendues noires dans le silence assourdissant du Carré d'art contemporain / odeur Mon nom, Mon visage, Mon bruit. / odeur Soifs et tout ce qui s'ensuit / odeur de Jeune fille et [de] mort / odeur Désert mauve / odeur des Espions de Dieu / odeur Dédale / odeur d'Amour debout et d'In vivo / odeur de Ce qu'elle voit « défoncé, effondré, sous-marin » dans ville bleue, froide ou noyée / odeur MoMA des centaines d'heures durant de regards chargés soutenus — assise là l'artiste en blanc en rouge / odeur RépitsChambre de l'arpenteur / odeur derniers quatuors de Chostakovitch qui lancinent sombre / odeur qui monte Plus haut que les flammes beaucoup plus haut / odeur d'Une mort très douce / odeur dépaysée des doigts on y revient c'est là c'est fatal — à qui appartiennent-ils ? — au bout d'une main — à qui appartiennent-ils ? — là oui on y revient doute disparition hurlement d'oubli on dirait qui court d'une œuvre à l'autre — Sisyphe malgré cette Insensée [qui] rayonne malgré tout.

Denise Desautels / D'où surgit parfois un bras d'horizon / Inventaire des odeurs
Photo : Denise Desautels par Alain Lefort