« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Benedictus


 

 

Ce matin, je me penche sur mon masque

sans penser à d’autres que lui.

 

Je noue l’étoffe, efface la bouche, le nez,

m’allège

autant que je m’abrite

de ce qui se projette  :

fugitifs éclats à couper

le souffle quand ils se posent.

 

J’entreprends à présent  :

sortir de chez moi,

là où les yeux se voient,

avec retenue s’asseoir  sur la clôture,

face au pré se parler - et l’on

se trouve mieux.   

 

Mais tout à l’heure, les masques n’étaient pas

de travers  :

pourquoi se mettent-ils à courir ainsi

en - dessous,

sur le fil du visage  ?

 

Déjà le printemps n’écoute plus,

s’en va dans la rue où

            les masques fleurissent

            comme un soulagement.

Le refrain sonne ancien dans la transparence

            de l’air nouveau  ; l’aventure cogne au tissu  :

je m’avance, inspire.   

 

Ce soir, je m’en reviens dedans, derrière

mon masque sans métaphore.

Je me penche

mettre mes pieds à nu,

dénoue l’étoffe  :

- benedictus filtré au creux du jour - 

l’expiration glisse, tranquille, entière.

 

J’ai retrouvé ma voix,

plus claire.

Sans penser, je me redresse

ouvrir la fenêtre

sur l’arbre,

et le vent

dans le feuillage.



 

Soudain, j’entends des mots

 

limpides sous la roche,

jetés en pluie au soleil,

 

des mots chuchotés si bas,

 

pour moi.

 

Car un jour d’avril est venu

 

            par la nature,

dans la foi,

de toute son âme

 

et depuis,

le temps va

dilaté

 

même l’absence

s’incline au seuil de l’évidence 

comme la tendresse qui rêve

 

sa marche et fredonne

ce murmure qui étreint

 

les assis

oubliés,

 

sans plus un mot,

côte à côte,

tête à tête

 

enveloppés

dans le thème

 

- né autrement

aux lèvres de l’Innocent  - :

 

Il était une fois, dans la savane,

un loup et une girafe

qui rêvaient, rêvaient…

Marie Alcance / Devant l'ailleurs