« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Souvent, parmi ces rives


 

 

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            Souvent, parmi ces rives

Désolées qu'assombrit

Le flot de pierre — et l'on dirait q'il ondoie,

Je m'arrête la nuit ; et sur la triste lande,

Dans le très pur azur,

Je vois flamber tout là-haut les étoiles,

Auxquelles au loin la mer

Est un miroir, et d'étincelles autour

Dans le firmament vide briller le monde.

Et quand je pointe mes yeux sur ces lumières,

Qui leur semblent un point

Et sont immenses, ainsi

Que terre et mer en face d'elles sont un point

Dans la réalité ; pour qui

Non l'homme seul mais encore

Ce globe où l'homme est néant

Sont du tout méconnus ; et quand je mire

Ces sans fin toujours plus éloignés

Nœuds ou presque d'étoiles,

Qui nous paraissent une brume, à qui non seuls

L'homme et la Terre mais ensemble,

Infinis de grandeur et de nombre,

Nos étoiles et le soleil doré

Sont inconnus ou semblent comme eux-mêmes

A la terre : un point

De lumière brumeuse — alors

 

A ma pensée qu'apparais-tu, ô semence

De l'homme ? Et me ressouvenant

De ton être ici-bas, dont est signe

Le sol que je foule, et puis encore

Q'en maître et fin

Tu te crois donné au Tout, que si souvent

Rêver te plut, sur cet obscur

Grain de sable qui de Terre a le nom,

Que pour toi les auteurs

Des mondes étaient venus parler aimablement

A tes semblables, et que renouvelant ses rêves

Dérisoires, insulte aux sages

Jusqu'à l'âge présent qui, dans la connaissance

Et les coutumes de la cité,

Semble passer tous les autres, alors oui, quel élan,

Pauvre et mortelle race, quelle pensée

Enfin pour toi le cœur m'assaille ?

Je ne sais si prévaut le rire ou la pitié.

… / …

Leopardi / Chants / Le Genêt (extrait)
traduit de l'italien par Michel Orcel