Souvent, parmi ces rives
Par domcorrieras, le samedi 19 février 2022 - Poèmes & chansons - lien permanent
… / …
Souvent, parmi ces rives
Désolées qu'assombrit
Le flot de pierre — et l'on dirait q'il ondoie,
Je m'arrête la nuit ; et sur la triste lande,
Dans le très pur azur,
Je vois flamber tout là-haut les étoiles,
Auxquelles au loin la mer
Est un miroir, et d'étincelles autour
Dans le firmament vide briller le monde.
Et quand je pointe mes yeux sur ces lumières,
Qui leur semblent un point
Et sont immenses, ainsi
Que terre et mer en face d'elles sont un point
Dans la réalité ; pour qui
Non l'homme seul mais encore
Ce globe où l'homme est néant
Sont du tout méconnus ; et quand je mire
Ces sans fin toujours plus éloignés
Nœuds ou presque d'étoiles,
Qui nous paraissent une brume, à qui non seuls
L'homme et la Terre mais ensemble,
Infinis de grandeur et de nombre,
Nos étoiles et le soleil doré
Sont inconnus ou semblent comme eux-mêmes
A la terre : un point
De lumière brumeuse — alors
A ma pensée qu'apparais-tu, ô semence
De l'homme ? Et me ressouvenant
De ton être ici-bas, dont est signe
Le sol que je foule, et puis encore
Q'en maître et fin
Tu te crois donné au Tout, que si souvent
Rêver te plut, sur cet obscur
Grain de sable qui de Terre a le nom,
Que pour toi les auteurs
Des mondes étaient venus parler aimablement
A tes semblables, et que renouvelant ses rêves
Dérisoires, insulte aux sages
Jusqu'à l'âge présent qui, dans la connaissance
Et les coutumes de la cité,
Semble passer tous les autres, alors oui, quel élan,
Pauvre et mortelle race, quelle pensée
Enfin pour toi le cœur m'assaille ?
Je ne sais si prévaut le rire ou la pitié.
… / …
Leopardi / Chants / Le Genêt (extrait)
traduit de l'italien par Michel Orcel