LIED
Par domcorrieras, le lundi 6 décembre 2021 - Poèmes & chansons - lien permanent
La nature est gaie,
Le ciel rit dans l'eau,
En fleur est la haie,
Vert est le coteau.
Le joli village
Dont fument les toits
Se baigne au rivage
Et dort sous les bois.
La brise frissonne
Aux champs assoupis,
Et la moisson jaune
Courbe ses épis.
Blanche de poussière,
La route s'étend ;
Là-bas l'hôtelière
Sur sa porte attend !
Elle se rappelle
Un couple d'amants
Qui l'été, chez elle,
Venait tous les ans.
Elle croit entendre
Leur rire joyeux ;
Voir le regard tendre
Qu'échangeaient leurs yeux.
Sous sa verte ombrelle
Et son frais chapeau,
Comme elle était belle !…
Comme il était beau !
Aux bords des ravines
Ils marchaient le soir,
Ou sur les collines
Ils allaient s'asseoir.
Puis ils rentraient vite,
Souriants, heureux,
Dans leur petit gîte,
Doux nid d'amoureux.
Leurs voix confondues,
Harmonieux bruit,
Étaient entendues
Parfois dans la nuit.
Sous la porte close
S'échappaient, furtifs,
De leur lèvre rose
Les baisers trop vifs.
Leur étroite chambre
Est vide aujourd'hui ;
On touche à Novembre
L'été s'est enfui.
La brise est plus fraîche,
La brume revient.
Qui donc les empêche ?
Qui donc les retient ?
L'hôtelière en peine
Rêve tristement ;
Son cœur la ramène
Vers ce doux roman.
Ils n'ont fait connaître
D'eux que leur amour…
« Morte elle est peut-être ? »
Se dit-elle un jour.
Ah ! garde ton doute…
Les étés fuiront…
Jamais sur la route
Ils ne reviendront !
Louise Colet / Ce qu'on rêve en aimant
Illustration : Louise Colet par Courbet