« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Quand tu me vois baiser tes bras


 

 

Quand tu me vois baiser tes bras,

Que tu poses nus sur tes draps,

Bien plus blancs que le linge même;

Quand tu sens ma brûlante main

Se promener dessus ton sein,

Tu sens bien, Cloris, que je t’aime.

 

Comme un dévot devers les cieux,

Mes yeux tournés devers tes yeux,

A genoux auprès de ta couche,

Pressé de mille ardents désirs,

Je laisse, sans ouvrir ma bouche,

Avec toi dormir mes plaisirs.

 

Le sommeil aise de t’avoir,

Empêche tes yeux de me voir,

Et te retient dans son empire

Avec si peu de liberté

Que ton esprit tout arrêté

Ne murmure ni ne respire.

 

La rose en rendant son odeur,

Le Soleil donnant son ardeur,

Diane et le char qui la traîne,

Une Naïade dedans l’eau,

Et les Grâces dans un tableau,

Font plus de bruit que ton haleine.

 

Là je soupire auprès de toi,

Et considérant comme quoi

Ton oeil si doucement repose,

Je m’écrie: O Ciel ! peux-tu bien

Tirer d’une si belle chose

Un si cruel mal que le mien?

Théophile de Viau / Œuvres poétiques - Première partie