Oui ou Non
Par domcorrieras, le mercredi 31 mars 2021 - Poèmes & chansons - lien permanent
Les touchantes rumeurs des printemps rétamés par le dernier
sang de l'avenir
Auront beau chanter sur le bout des ongles,
Sur les yeux de l'eau vive,
Sur les genoux enchantés,
Sur les flancs des murmures
Et les talons sans soleil,
La faiblesse pleine de mousse et les abandons des nuits de
roses
Nageant dans la sueur des paumes et la gelée des tempes
Pourra mettre le front et le cœur dans la poussière et les
frondaisons
Comme des étoiles dans un vase,
O larmes des armes,
O douces lèvres des chants, ô vagues des présages,
O mon image dans le miroir abeilles du sommeil,
Je n'en aurai pas moins une fois pour toutes
Et toutes pour une,
Je n'en aurai pas moins nourri hors des flots plus gras que le
bonheur humain
Le grand lion de platine et de plomb insensible aux déserts
de la lassitude,
Le lion sans lionne de la solitude,
Le lion sans passé et sans avenir,
Hors des sables des rosées des comètes des sirènes,
Hors des nombres, des problèmes, des roses-des-vents,
Hors de mon ombre,
Hors du monde,
Un jour, mais y aura-t-il un jour ?
Le monde sera-t-il le monde, ô descente de lit,
Lion crevé,
Une tombe pour les autres, voilà ce que je serai,
Et dedans un à un les pas du lion entassés sous les rires des
grands vampires,
Plus rien,
Rien.
Image, ô moi qui me pousse devant moi comme un parasol
et une consolation,
Moi qui ai voulu assassiner et voler, détruire et manger,
comme un gibier faisandé
Cette beauté de l'ordure, cette charogne de l'ordre,
Qui sera le dernier mot et la dernière vengeance,
Monde ou ma haine ?
De celui qui a le cou sous le couperet
Et voit encore se gonfler le gosier de la tourterelle,
Et de la terre pourrie sous le ciel sordide
Quel est le vainqueur aux palmes et aux guirlandes ?
Le dernier non sera-t-il entre les lèvres noires comme le oui
du feu ?
Que sais-je encore, ô révolte,
Grandes eaux à combler le temps
Mon amour et mes rêves.
Georges Ribemont-Dessaigne / in "raison d'être" N° 7 , juillet 1930