« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

BALLADE (pour Jehan Cotart)


 

 

Pere Noé(l), qui plantastes la vingne,

Vous aussi Loth, qui bustes ou rocher

Par tel party qu'Amours, qui gens engigne,

De vos filles si vous fist approucher

— Pas ne le dy pour le vous reproucher —,

Archedeclin, qui bien seustes cest art,

Tous troys vous pry que vous vueilliez preschzr

L'ame du bon feu maistre Jehan Cotart.

 

Jadis extraict il fut de vostre ligne(e),

Lui qui buvoit du meilleur et plus cher,

Et ne deust il avoir vaillant ung pigne :

Certes, sur tous, c'estoit ung bon archer :

De bien boire ne feu(s)t oncques fetart.

Nobles seigneurs, ne souffrez empescher

l'ame du bon feu maistre Jehan Cotart !

 

Comme homme viel qui chancelle et trespigne

L'ay veu souvent, quant il s'alloit coucher,

Et une fois il se fist une bigne

— bien m'en souvient ! — pour  la pie juchier.

Brief, on n'eust sceu en ce monde sercher

Meilleur pion, pour boire tost et tart.

Faites entrer, quant vous orrez hucher,

L'ame du bon feu maistre Jehan Cotart.

 

Prince, il n'eust sceu jusqu'à terre cracher.

Tousjours criot : « Haro ! la gorge m'art ! »

Et si ne sceust onc sa seuf estancher

L'ame du bon feu maistre Jehan Cotart.

François Villon / Le Testament